Considérations sur la langue française
La langue française est une langue unique dans le paysage linguistique mondial. D’une part, elle est très éloignée physiquement et syntaxiquement des langues germaniques et slaves et, d’autre part, elle s’est morphologiquement distanciée très tôt de toutes ses sœurs latines, famille de langues à laquelle elle appartient pourtant. Elle constitue à elle seule – et les fins connaisseurs ne me contrediront pas – une véritable œuvre d’art.
En fait, elle a toujours marqué les esprits par la magie d’un vocable parfaitement ciselé et par une syntaxe obéissant à un ordre naturel et logique, se démarquant en cela de toutes les autres langues : n’a-t-elle pas transformé la grammaire du vieil anglais, qui était d’une lourdeur et d’une complexité toute nordiques ? En outre, son vocabulaire percutant constitue un outil d’une précision inouïe, visant avec justesse chaque expérience par le caractère extrêmement nuancé de son expression.
Cette langue, à la diction mélodieuse et peu accentuée, offre, - cas exceptionnel – un agencement parfaitement équilibré de consonnes et de voyelles, ce qui explique la douceur, le charme et la délicieuse fluidité d’un énoncé qui coule à la manière d’une petite mélodie envoûtante. Pas d’à-coups ni de heurts en langue française, contrairement aux langues à prédominance consonantique et fortement accentuées, ni de déliquescence des syllabes à la façon des idiomes à forte coloration vocalique.
Or, ce bref portrait de la langue française n’a malheureusement pas l’heur d’intéresser les milieux économiques et financiers de la planète. Cependant, en dépit de l’indéniable propension de l’anglo-américain à tendre ses tentacules tous azimuts, le français aurait pu et a failli même se positionner pour faire entendre sa voix du fait même de l’immense culture qu’elle a engendrée et constituer un contrepoids de taille face à un libéralisme fou et débridé. De même, cette langue aurait pu apporter un vent nouveau, quelque chose de précieux et d’original et une fraîcheur innovante.
Aujourd’hui, il est même des personnalités de par le monde pour qui cette langue à nulle autre pareille constitue encore et malgré tout cette deuxième voie. On aimerait les croire, mais il est évident qu’actuellement ce raz-de-marée néo-libéral impitoyable en arrive même à broyer les esprits les plus récalcitrants et à étouffer dans l’œuf toute initiative salutaire visant à redonner à la langue française ses lettres de noblesse.
Néanmoins, on assiste, de part et d’autre de la Francophonie, à l’émergence d’actifs foyers de résistance pour lesquelles la défense du français n’est pas un vain mot et est loin d’être un combat d’arrière-garde, comme d’aucuns le laissent entendre et le souhaitent même.
Philippe Carron