Réquisitoire et Plaidoyer

                                          Réquisitoire implacable
contre les inexcusables pratiques d’écritures « alternatives » et contre une anglolâtrie exacerbée qui achèvent la langue française en Suisse romande… et dans toute la Francophonie européenne 

                                                                et   

                                               Vibrant plaidoyer 
en faveur d’une langue française qui a su, par un génie hors pair, porter le souci de l’esthétisme à la perfection dans le paysage linguistique mondial     


                                                      UN FÉMINISME DÉBRIDÉ 

En ce moment, un féminisme débridé, au bord de l’hystérie, déferle dans la sphère francophone sous de fallacieux idéaux d’égalité, de liberté et de modernité, le tout monté en épingle par une sociologie militante* et un système médiatique remontés et à la traque de tout ce qui a trait au « prétendu machisme dominant ». 

Pour ce qui est de la langue française, des féministes déchaînées, éperonnées par leurs vindicatives égéries, ont sorti leur artillerie lourde pour en manipuler et en travestir le déroulé syntaxique et la ligne mélodique afin de relayer leurs « abracadabrantes » revendications et de satisfaire à un égocentrisme outrancier au mépris de toutes considérations qui ressortissent du fait linguistique proprement dit.   


                              L’ÉCRITURE INCLUSIVE OU LE RENIEMENT DE SOI   

Condamner, par la contrainte, par la manipulation morphologique et syntaxique une langue comme le français à devenir absolument illisible et hautement impraticable pour une majorité de locuteurs romands déjà largués par une anglomanie « omnivore »**, constitue une considérable régression du point de vue ontologique, en ce sens où la langue, qui participe d’un champ de connaissances indispensables à une société et à sa survie - et qui est son bien commun - est défigurée par un système d’écriture anarchique qui est contraire à son esprit et aux dispositions anthropologiques qu’elle implique. 

Forcer, par de coupables pressions moralisatrices, la langue française à se renier et à se déposséder en la faisant se raidir dans le carcan d’une idéologie qui veut faire « correspondre sexes et genres grammaticaux » est une hérésie, pire encore, une violation gravissime et totalement injustifiée de son disque dur que sont sa clarté et sa précision, ses qualités intrinsèques qui se démarquent de tout ce qui a été conçu en la matière jusqu’ici. Seulement, la bien-pensance s’en soucie-t-elle ? 

A ce sujet, il est évident que la langue de Rousseau doit exaspérer pas mal de monde par le seul fait qu’elle est un vecteur d’unité, de cohésion, de liberté, sans parler de son aura irrésistible, contrairement à un anglo-américain hégémonique qui « écrabouille » tout ce qui possède encore un zeste de culture, a fortiori d’humanisme.     



                                LA LANGUE FRANÇAISE, LA LANGUE À ABATTRE   

Une pollution sans précédent violente comme jamais le logiciel de la langue française devenue LA langue à abattre dans les milieux francophones européens - Suisse romande en tête - et qui se contorsionne d’un bout à l’autre de son champ syntaxique. Véritable descente aux enfers qu’accompagnent le cynisme et la condescendance de bon nombre de professeurs de français, d’écrivains, de pontes universitaires, d’intellectuels, de spécialistes, de linguistes en herbe et autres « techniciens » du langage qui clament à l’envi « qu’il faut laisser la langue évoluer naturellement, qu’elle est en constant devenir, que diable ! », alors que la langue française ne peut plus évoluer, atrophiée, infestée, d’une part, par un « globish» glouton et sclérosant et, d’autre part, étranglée maintenant par un « griffonnage » incompréhensible et illisible qui ressemble à s’y méprendre à des « hiéroglyphes » d’un temps que l’on croyait révolu…   

… et dont la propagation délétère s’oppose à l’idéal de clarté, d’intelligibilité et de lisibilité d’une langue française qui est un sommet de la création humaine et qui, selon l’Académicien François Cheng, mériterait « d’être inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO ». L’on comprend alors aisément pourquoi la langue française est l’instrument rêvé de la littérature.           



LA LANGUE FRANÇAISE OU LE SOUCI DE L’ESTHÉTISME PORTÉ À LA PERFECTION   

On ne saurait passer sous silence la dimension hautement civilisationnelle de la langue française qui s’est élaborée autour d’un « souci esthétique » majeur porté à la perfection, que sa raison d’être induit justement cette harmonie, cet ordre, cette sobriété qui régissent et ponctuent sa prosodie. Que cette langue se manifeste invariablement avec son infini cortège de mots aux facettes finement et délicieusement ciselées et polies -  des articles de luxe les plus sophistiqués ; qu’elle implique cette exigence syntaxique qui a abouti à une structure judicieusement charpentée ; qu’elle possède un agencement parfaitement équilibré de voyelles et de consonnes - cas presque unique au monde ; une égale durée des syllabes couplée d’une émission de voix subtilement modérée, toutes qualités lui assurant une fluidité sans hiatus  ; que son énonciation est empreinte de ce velouté, de cette couleur tonique si singulière qui évoquent la plus la douce, la plus folle et la plus enivrante des mélodies, celle dont les non-francophones raffolent une fois qu’elle est parvenue à leurs oreilles.   

Seulement, aujourd’hui, à travers l’abâtardissement et l’avilissement bien ciblés de ce legs inestimable que nous avons tous reçu en partage – nos mères nous l’avaient inculqué avec une telle patience, un tel savoir-faire et un infini respect, elles ! (Cf. Langue d’Emma en PJ) -, on devine le paysage linguistico-culturel ravagé d’une société romande qui se délite, comme on voit la vase, les dépôts glauques et toutes sortes d’objets hétéroclites immondes au fond d’une onde transparente, l’illettrisme étant en passe de devenir un sport et un fléau dans une Romandie méconnaissable… idem pour la France et la Belgique.       



                LA LANGUE FRANÇAISE OU « L’INCLUSION » PAR EXCELLENCE    

La langue française contient déjà en elle-même, et même mieux que toute autre, cette sollicitude à l’égard des deux sexes qui constitue SA marque de fabrique : « la présence et la complicité de la femme dans une relation harmonieuse et unique ». Elle seule place l’homme et la femme dans une commune et indispensable interaction. Lui surimposer une fioriture de signes abscons ne fait que déchirer à jamais la trame « architecturale » d’un monument qui s’est construit à longueur de temps et qui fait que la langue française est une langue écrite qui se parle, ou, pour simplifier, parler le français, c’est s’exprimer à partir de l’écrit ; c’est plaquer son discours sur l’écrit, sur la grammaire – ou inversement - , les deux procédés, écrit et oralité, marchant main dans la main, comme deux jeunes tourtereaux, et que les dissocier l’un de l’autre, ce qui est le cas dans les autres langues, c’est l’achever, c’est lui donner le coup de grâce, son arrêt de mort … et c’est pourtant ce à quoi l’on assiste aujourd’hui.     



             LA FEMME ET SON RÔLE PRÉPONDÉRANT EN LANGUE FRANÇAISE   

Pour calmer les ardeurs de nos « jusqu’au-boutistes », il convient de rappeler que, dans aucune autre langue au monde que le français, la femme a pris une part aussi prépondérante et déterminante dans la vie de sa langue, a fortiori dans la littérature, depuis la période des trouvères et des troubadours, en passant par Port-Royal, les écrivaines du Grand Siècle jusqu’aux salons et autres cafés littéraires et plus haut jusqu’à nous, où le rôle de la femme a été essentiel grâce à ce raffinement, cette prestance, cette audace, cette maîtrise des codes de la civilité dont elle seule a le secret. La femme, très tôt déjà, a habillé et habité la langue française d’une manière singulière, elle l’a embaumée de son subtil parfum, de sa politesse exquise, et a participé, conjointement avec son opposé masculin, activement à son élaboration et à son essor, ce qui constituait déjà, en son temps, une véritable révolution dans les mentalités … prouesse inégalable et inégalée depuis. Quelle autre langue au monde peut se targuer de pareil exploit ? N’est-ce pas cette façon de se voir, et de voir l’autre, qui modèle et forge une culture ? … et l’on se complaît à dire dans le "landerneau" des esprits chagrins que le français est une langue sexiste, jusqu’à vouloir en faire le parangon de la laideur en la dénaturant à qui mieux mieux… A d’autres !!!       



                                                    CACHEZ CE « E » INCONGRU !   

Nul doute que la féminisation des noms de métier, qualification, profession, fonction etc., doit être remise au goût du jour en des temps où l’accès à tous les postes sociétaux, même les plus élevés, s’est accéléré pour le sexe « dit » faible, ce dont tout un chacun se félicite… cette féminisation ayant eu forcément des incidences sur la langue. 
Un bémol toutefois. Pour briser des clichés tenaces – et sans vouloir offenser personne –, il convient de rappeler une bonne fois pour toutes que le français ne possède pas de suffixe permettant de féminiser mécaniquement les substantifs, que le E*** ne sert nullement de suffixation ou de dérivation, contrairement aux adjectifs et aux participes - malgré la détestable et évidente mauvaise foi de récalcitrantes et de médias en mal de sensations. Il convient de marteler une bonne fois pour toutes que « le genre grammatical n’indique en rien une connotation ou une catégorisation sexuelle », que le masculin a cette valeur purement générique, ou non marquée, ou non genrée (non sexuée), « inclusive », que nous a léguée le latin, mais là encore faut-il enlever ses grosses lunettes opaques pour intégrer un fait aussi patent.   



                      LE MOT DE LA FIN POUR NE PAS RESTER SUR SA FAIM   

Soyons un brin sérieux ! Ce n’est pas la frénésie genrée et « égalitariste » d’une milice à la manœuvre, qui prend la langue française en otage en malmenant jusqu’à écœurement**** une morphologie et une grammaire accusées de tous les malheurs de la condition féminine - terreau du sexisme, à ce qu’il paraît - qui incitera l’homme à porter un regard tout neuf sur la femme, qui fera avancer d’un iota les inégalités entre  le « mâle » et la « femelle », qui résoudra le lancinant problème de la parité des salaires, qui rendra plus visible le rôle de la femme dans la vie professionnelle, qui redressera la courbe du chômage ; ce n’est pas en détruisant la structure et le noyau d’une langue qui a atteint des hauteurs de perfection qu’on la rendra plus attrayante aux yeux de tous, etc. Bref, ce n’est pas en portant le combat de femmes sur le terrain linguistique que l’on fera avancer le « schmilblick » dans quelque domaine que ce soit… et que l’on pourra faire évoluer les mentalités sur la base de considérations grammaticales complètement farfelues.   


Philippe CARRON 
Linguiste de formation, ancien professeur de français et de langues… dont l’anglais.   

Annexe : ment.   


* Toute idéologie, telle que celle de l’égalitarisme prônée dans certains milieux, ne trempe-t-elle pas ses racines dans le terreau de l’inculture ?  

** Tomber sur une enseigne encore en français, par exemple, dans les rues de Lausanne et de sa banlieue relève de l’exploit… et que d’en dénicher une nous paraît tellement surréaliste qu’il faut se pincer pour le croire… Ne sommes-nous pas déjà colonisés de la tête aux pieds ?   

*** Ce E que l’on sert en toute incohérence pour féminiser bon nombre de noms comme professeurE, procureurE, auteurE, etc. est un appendice qui n’a rien de sexué en français, ni de féminin, ce n’est pas une désinence féminine contrairement à celles des adjectifs, et encore…, même si l’on trouve des exemples de dénominations de métiers féminins dans un passé lointain. Seulement pour le comprendre, il convient de retracer toute l’évolution de notre langue depuis le latin, en passant par l’ancien français jusqu’au français actuel pour battre en brèche des notions aussi grotesques … et là quelle personne un tant soit peu sérieuse est disposée à s’y attarder ?   

**** Une langue ne se brutalise pas, ne se dissout pas dans la médiocrité environnante – surtout pas le français - ni n’est assimilable à un produit négociable qui fluctuerait suivant les cours capricieux de la Bourse   .
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