Une gifle de plus assénée à la langue française
Les médias ne sont pas les seuls à verrouiller toute information révélant au grand public l’arrachage linguistique en cours en Suisse romande, procédé d’occultation due à leur incapacité à se remettre en question et, surtout, à leur complète inféodation à la doxa anglo-américaine.
Le camouflet le plus confondant cependant vient du refus systématique du cercle familial, du cercle d’amis, des proches, des connaissances ou des collègues de travail des lanceurs d’alerte que nous sommes– j’en fais régulièrement l’amère expérience – d’accepter d’entrer en matière pour une éventuelle discussion dès que les mots « d’américanisation » ou « d’éradication » sont lâchés. Nous est alors signifié sur-le-champ – à mi-voix - de la boucler, de ne surtout pas faire de vagues, la pollution langagière, elle, n’étant au programme ni des bancs d’école ni des amphithéâtres, ni même des potins du Café du Commerce.
Le verrouillage est, comme on le voit, total de tous les côtés, car les consciences ont été tellement intoxiquées, « biberonnées » depuis le début de ce siècle au nouveau prêt-à-parler et au prêt-à-penser anglo-américains qu’elles sont incapables de voir des vérités pourtant éclatantes qui ne souffrent pas le premier zeste de contestation, les marqueurs ayant viré au rouge violet.
Ce qui rend le procédé absolument « surréaliste » tient au fait que la plupart des personnes de notre entourage immédiat soit ignorent tout du globish ambiant, soit nagent à l’aveuglette et en pleine détresse dans une langue française créolisée, sans aucune bouée culturelle à laquelle s’accrocher, soit tout simplement pour suivre le mouvement d’une masse moutonnière complètement asservie linguistiquement, ou encore pour ne pas déplaire et décevoir à leur progéniture pétrie d’anglolâtrie.
Cela s’apparente étrangement au diktat auto-imposé, à l'auto-censure qu’on trouve dans les pays totalitaires... et que s'infligent , en occurrence, des locuteurs qui craignent de franchir la ligne rouge et de se faire mettre à leur place à leur tour. Il faut dire que les fers de lance à la solde de l’évangile anglo-saxon imposent une telle chape de plomb sur des esprits « malléables » à souhait qu’ils sont en passe d’en faire de parfaits petits soldats bien enrégimentés... et c’est ce qui se vérifie aisément sous nos yeux.
Dans cette sordide affaire de « détroussage » langagier, c’est la langue de toute une nation qui paie le prix fort sur l’autel du déni, de l’abdication et de la soumission... une nation francophone qui risque fort de se réveiller avec un (dé)goût amer au fond de la gorge.
Philippe Carron