Villers-Cotterêts : du château de la langue française au château de la honte
C’est l’histoire de ce château de l’Aisne, dans cette région des Hauts-de-France d’où, en 1539, François 1 er, alors roi de France, décréta, par sa fameuse Ordonnance de Villers-Cotterêts, que désormais le français serait la langue des institutions à la place du latin, qui était encore en vigueur dans tous les actes officiels du royaume de France et de Navarre.
Cet édit, qui marqua le moment où la langue française s’émancipa de ses scories latines, est considéré comme – osons l’expression - l’acte « fondateur » de la République et qui, par les articles 110 et 111, imposa le français dans tous les actes à portée juridique de l'administration et de la justice du royaume.
Dès lors, l’usage du français prend le pas sur celui du latin, langue de l’Église, jugée moins accessible par le peuple.
Les siècles passent et, à partir de la Révolution, le château est affecté à divers usages, servant surtout à abriter des institutions d’utilité publique jusqu'au début de ce siècle, où il est abandonné à son sort. Il menace ruine lorsque quelques personnes audacieuses et courageuses, d’ardents défenseurs de la langue française, conscientes du rôle de ce lieu emblématique, demandent à Emmanuel Macron de le restaurer pour en faire exclusivement la Cité de la langue française et de la Francophonie, rôle essentiel qu’il était censé tenir après sa rénovation… et faire la part belle à la langue de Molière et de la Francophonie, ce qu’avait alors promis le pensionnaire de l’Élysée.
C’était sans compter avec les volte-face du président de la République française qui, lors de son inauguration en 2023, avec une rouerie confondante et les mensonges à répétition qu’on lui connaît, allait détourner les affectations auxquelles étaient destinées initialement ce superbe ouvrage et en faire La Cité internationale de Villers-Cotterêts, un centre expérimental de langues pour technocrates, un « machin », comme aurait dit de Gaulle, d’une froideur toute technocratique, et qui n’avait rien à voir avec le projet initial. Un organisme avec un nom anglais où le directeur serait de langue anglaise, que tout se ferait en anglais, que le recrutement se ferait dans cette langue et que les experts seraient des non-francophones… Bref, une langue prédatrice bouterait hors les murs de V-C la langue même qui devait dessiner les contours et le contenu d’un projet au sein d’un monument à la gloire non seulement du français, mais de la Francophonie, a fortiori du multilinguisme. Et ceci au château où François 1er avait fait du français la langue officielle du royaume. Cherchez l’erreur ou l’horreur !
De quoi donner la nausée et le vertige à ceux-là mêmes qui ont su, à travers les siècles, insuffler son aura et son génie à une langue française qui a tout donné d’elle au monde ! Par cette trahison de E. Macron et de cette énième humiliation à la langue de Molière et de la Francophonie, dont la Suisse romande, on peut assurément dire que Villers-Cotterêts, d’emblématique qu’il fut pour la langue française, en est devenue son mausolée avec la venue à V-C même des « cow-boys » de l’UE, de ces baroudeurs à la gâchette « anti-culture » qui y déboulent déjà avec leurs idées préconçues et leur ignorance crasse quant à l’histoire de ce lieu hautement symbolique.
Il est fort à parier que ces gens n'hésiteront pas à liquider « in situ » ce qui restera du « vernaculaire », de le dépecer pour en faire un festin royal. Six pieds sous terre le français de France et de la Francophonie européenne, dont la Romandie… et que l’on n’en parle plus !!!
Philippe Carron